Devenir simple présence
En tant qu’accompagnant bénévole, je fais partie d’une association de visite des personnes âgées vivant en Ehpad. Être présent simplement, dans l’écoute, reste parfois difficile et spirituellement décapant.
Depuis des années, j’accompagne M. B. Nous avons noué une belle relation en parlant de sa famille et je l’ai aidé à rédiger une partie de ses mémoires pour ses enfants et petits-enfants. Au fi l du temps, il est devenu de plus en plus sourd et aveugle.
J’ai espacé mes visites, tant la communication devenait difficile.
Un après-midi, j’apprends qu’il est au plus mal, physiquement et surtout moralement. Depuis deux ou trois jours, il crie d’une voix encore forte qui s’entend dans tout l’étage : « Au secours, aidez-moi ! » Du fait de sa cécité et de sa surdité, il se sent abandonné, coupé du monde. Le personnel de l’établissement ne peut pas le suivre en permanence. Ses enfants sont loin, pris par leur travail. Lorsque j’entre dans sa chambre, il est hyper tendu dans son fauteuil car il a peur de tomber. Je m’approche et tente de le rassurer. Il me serre la main de toute sa force et continue de plus belle sa plainte : « Aidez-moi ! » Mes paroles
de réconfort ne portent pas. Que faire ? Devenir simple présence. L’écouter, partager, rester au pied de la Croix avec lui. Il décède quelques jours plus tard, paisiblement, entouré de ses enfants. Là où il est maintenant, puisse-t-il intercéder pour nous.
C. M.
Tiré de la revue Nouvelle Cité mai-juin 2020