Novembre 2006 : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés » (Mt 5, 6)

Dans le langage courant, le mot « justice » évoque le respect des droits de l’homme, l’exigence de l’égalité, la répartition équitable des ressources, les organismes appelés à faire respecter les lois.
Est-ce de cette justice dont il est question dans le « discours sur la montagne » ? D’une certaine manière, oui ; mais Jésus vise une justice plus vaste qui implique l’harmonie des rapports, l’entente, la paix.
La faim et la soif se réfèrent aux besoins élémentaires de tout individu, symbole d’un désir profond du cœur humain jamais pleinement satisfait. Selon l’Evangile de Luc, Jésus aurait simplement dit : « Heureux vous qui avez faim ». Matthieu explique, lui, que la faim de l’homme est une faim de Dieu, que lui seul peut combler pleinement. Augustin d’Hippone l’avait bien compris, en écrivant au début des Confessions cette phrase restée célèbre : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi ».
Jésus lui-même a dit : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et que boive celui qui croit en moi ». Et Lui, à son tour, s’est nourri de la volonté de Dieu.
Vivre la justice, dans le langage biblique, signifie donc vivre en conformité au projet de Dieu sur l’humanité : il l’a pensée et voulue comme une famille unie dans l’amour.

« Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés »

Le désir et la recherche de la justice sont inscrits depuis toujours dans la conscience de l’homme. Dieu lui-même les lui a mis dans le cœur. Mais malgré les conquêtes et les progrès accomplis tout au long de l’histoire, combien nous sommes encore loin de la pleine réalisation du projet de Dieu ! Les guerres qui se déchaînent aujourd’hui, tout comme le terrorisme et les conflits ethniques sont le signe des inégalités sociales et économiques, des injustices, des haines.
Les obstacles à l’harmonie entre les hommes ne sont pas simplement d’ordre juridique, ni même causés par un manque de lois réglementant notre vie en société. Ils dépendent d’attitudes plus profondes, morales, spirituelles, de la valeur que nous donnons à la personne humaine, de notre manière de considérer l’autre.
De même dans le domaine des biens : le sous-développement croissant, le fossé qui se creuse entre riches et pauvres, avec une distribution inique des richesses, ne tiennent pas seulement à l’organisation de notre économie, ils dépendent aussi et surtout de choix culturels et politiques ; ils sont un fait humain.
Quand Jésus nous invite à donner aussi notre manteau à celui qui nous demande une tunique et à faire deux mille pas avec celui qui veut en faire mille avec nous, il indique « quelque chose de plus », une « justice plus grande », qui va au-delà de la pratique légale, une justice qui est l’expression de l’amour.
Sans amour, sans respect pour la personne, sans attention à ses exigences, les rapports personnels peuvent être corrects, mais peuvent aussi devenir bureaucratiques, et incapables de répondre aux exigences humaines. Sans l’amour il n’y aura jamais de vraie justice, de partage équitable des biens entre riches et pauvres, d’attention à la particularité de tout être humain, et à la situation concrète dans laquelle ils se trouvent. Les biens ne se déplacent pas tous seuls. Ce sont les cœurs qui doivent se bouger et faire circuler les biens.

« Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés »

Comment vivre cette Parole de vie ?
En regardant le prochain pour ce qu’il est réellement : non seulement un être humain avec ses droits et son égale dignité par rapport aux autres, mais comme la vivante image de Jésus.
Même si c’est un ennemi, il nous faut l’aimer du même amour dont il est aimé du Père, prêts pour lui au sacrifice, et même au sacrifice suprême : « Donner sa vie pour ses frères ».
En vivant avec lui dans la réciprocité du don, dans le partage des biens spirituels et matériels, afin de ne former tous qu’une seule famille.
Alors notre désir d’un monde fraternel et juste, tel que Dieu l’a pensé, deviendra réalité. Il viendra lui-même vivre au milieu de nous et nous comblera de sa présence.

« Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés »

Voilà le récit d’un épisode de travail, pour illustrer cette parole : « L’entreprise où je travaillais a récemment fusionné avec une autre du même secteur. On m’a chargé de revoir la liste des employés, sachant que trois d’entre eux devaient être licenciés après réorganisation. Une telle décision me semblait aussi infondée que précipitée. Elle ne tenait en tout cas aucun compte des conséquences d’ordre humain pour les intéressés. Que faire ? Je me suis souvenu de la Parole de vie. La seule chose à faire était d’imiter Jésus : aimer en premier. J’ai présenté ma démission en disant que je ne signerais pas les trois licenciements. On n’a pas accepté ma démission et on m’a même demandé d’étudier l’intégration des trois employés dans la nouvelle organisation. J’avais déjà préparé un nouveau plan qui justifiait l’insertion de tous dans les différents secteurs. Il fut accepté et nous avons tous conservé notre travail. »

 

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