Avril 2004 : « Que le plus grand parmi vous prenne la place du plus jeune, et celui qui commande la place de celui qui sert » (Lc 22, 26)

Ce n’est pas la première fois que Luc nous montre les disciples discutant entre eux pour savoir quel est le plus grand. Cette fois nous sommes au dernier repas. Jésus vient d’instituer l’Eucharistie, signe le plus grand de son amour, du don de lui-même sans mesure, anticipation de ce qu’il vivra sur la croix quelques heures plus tard. Il se tient au milieu des siens « comme celui qui sert ». C’est tout le sens du « lavement des pieds » rapporté par l’Evangile de Jean. En ce mois où nous célébrons la Pâque, la Résurrection de Jésus, n’oublions pas cet enseignement.
Les disciples, eux, ne comprennent pas. Ils restent conditionnés par la mentalité humaine qui privilégie le prestige et les honneurs, les premières situations dans l’échelle sociale, le fait de devenir « quelqu’un ». Mais Jésus est venu sur terre justement pour créer une société nouvelle, une nouvelle communauté, guidée par une autre logique, celle de l’amour. Lui, qui est le Seigneur et le Maître, a lavé les pieds de ses disciples (geste qui était réservé aux esclaves). Nous aussi, si nous voulons le suivre, et surtout si nous avons des responsabilités élevées, nous sommes appelés à servir notre prochain en nous donnant de manière aussi concrète que Jésus.

« Que le plus grand parmi vous prenne la place du plus jeune, et celui qui commande la place de celui qui sert »

C’est l’un des paradoxes de Jésus. Comment le comprendre ? Rappelons-nous que l’attitude typique du chrétien est l’amour : cet amour qui le fait se mettre à la dernière place, qui le rend petit devant l’autre, comme un père qui joue avec son enfant ou l’aide dans ses devoirs de classe. Vincent de Paul appelait les pauvres ses « patrons ». Il les aimait et les servait comme tels, parce qu’il voyait Jésus en eux. Camille de Lellis se penchait sur les malades, lavant leurs plaies, les installant dans leur lit « avec l’affection – comme il l’écrit lui-même – qu’une mère aimante a l’habitude d’avoir pour son fils unique qui est infirme ». Et comment ne pas rappeler, plus près de nous, la bienheureuse Teresa de Calcutta, qui s’est penchée sur des milliers de moribonds, se faisant « rien » devant chacun d’eux, qui étaient les plus pauvres parmi les pauvres ?
Comment « se faire petit » devant l’autre ? En cherchant à entrer le plus profondément possible dans son âme, jusqu’à en partager les souffrances ou les intérêts, même s’ils sont à nos yeux insignifiants alors qu’ils constituent au contraire toute sa vie à lui. Pourquoi « se faire petit » devant chacun ? Il ne s’agit pas là d’une différence de niveau supposée entre deux personnes, mais d’une précaution : notre moi, si on ne le surveille pas, est toujours prêt, tel un ballon, à s’envoler et à se considérer comme supérieur aux autres.

« Que le plus grand parmi vous prenne la place du plus jeune, et celui qui commande la place de celui qui sert »

Vivons donc « l’autre », au lieu d’une existence repliée sur nous-même, nos préoccupations, nos idées, nos affaires, bref tout ce qui tourne autour de notre moi. Oublions ce moi qui nous absorbe tant, déplaçons-nous vers l’autre, faisons-nous un avec chacun, accompagnons-le. Aidons-le à sortir de ses soucis, de ses souffrances, de ses complexes, de ses handicaps. Aidons-le tout simplement à sortir de lui-même, à aller vers Dieu et vers ses frères. Avec notre soutien, il trouvera la plénitude de la vie, le vrai bonheur.
A tous les échelons du monde politique et administratif, les dirigeants peuvent concevoir ainsi leur responsabilité comme une occasion de servir le bien commun : le bien des jeunes qui, pour s’installer, recherchent maison et travail, le bien de ceux qui, pour étudier, ont besoin des moyens nécessaires, ou le bien de ceux dont les entreprises, pour travailler, requièrent un environnement économique adapté.
De notre réveil jusqu’à notre coucher, à la maison, au bureau, à l’école, dans la rue, nous pouvons toujours trouver l’occasion de servir les autres et de les remercier lorsqu’ils nous servent à leur tour. Faisons tout pour Jésus dans nos frères, ne négligeant personne, et en étant toujours les premiers à aimer. C’est en étant petits, au service de tous, que nous serons « grands ».

 

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